L’intégrale de la musique
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Morceaux libres de droits et musique protégée : qu’est-ce que cela implique et comment s’y retrouver ? Avocat spécialisé en droits d'auteur, médias et des technologies de l'information et de la communication (TIC pour les intimes), Jean-Christophe Lardinois débrouille l’écheveau.

Ne pas prendre de risques

Il vaut mieux partir du principe que le titre qui vous intéresse est protégé. Comme le détaille Jean-Christophe Lardinois, la protection est donnée à une musique comme à n’importe quelle création artistique si elle est originale et mise en forme. « La mise en forme, tout le monde voit ce que c’est : il faut qu’elle soit fixée sur un "support", qu’il y ait une matérialisation. Ce qui est généralement le cas puisqu’on l’a entendue. » L’originalité en matière musicale, par contre, c’est autrement plus compliqué : « Parce que l’originalité n’a rien à voir avec la nouveauté. Il y a 7 notes de musique, on fait des accords depuis la nuit des temps, on "recycle", mais on va considérer qu’une musique est originale dès qu’on a créé quelque chose avec une certaine liberté. Et voilà pourquoi les questions de plagiat sont toujours très difficiles à dénouer. »

Demander les autorisations

Si on veut utiliser un morceau qui est protégé, donc pas libre de droits, il faut en demander l’autorisation à ses titulaires. « On en revient aux droits d’auteur et aux droits voisins. La demande doit être faite auprès des ayants droit et au producteur du phonogramme. Pourquoi à ce dernier également ? Parce qu’en général, quand on veut utiliser une musique, on va finalement réutiliser le support, qui est la prérogative du producteur du phonogramme. » Il y a bien entendu utiliser et… utiliser. Si le morceau en question est juste destiné à être repris en concert ou sur un disque, aucune autorisation n’est à demander, à moins qu’il ne soit complètement transformé, auquel cas les ayants droit pourraient faire valoir leur droit moral. Autre cas de figure : et si les ayants droit accordent leur autorisation moyennant une somme impayable ? « La possibilité, c’est de faire interpréter le titre par un groupe et c’est cette cover qui sera utilisée. Il faudra l’autorisation du groupe en question, qui sans doute sera moins cher que l’original, surtout si vous pensez à des titres assez connus du catalogue de la musique populaire. »

Parcourir le catalogue de la Sabam

Pour retrouver les ayants droit, c’est-à-dire l’auteur, le compositeur, l’arrangeur ou l’éditeur, on consulte le catalogue de la Sabam, accessible publiquement. Il suffit d’aller sur le site de la société. « S’il y a un éditeur, c’est lui qui peut parler au nom de tout le monde. Et s’il n’y en a pas, il faut demander à l’auteur, au compositeur et/ou à l’arrangeur s’ils sont repris dans la base de données de la Sabam. » Pour le producteur, c’est un peu plus compliqué dans la mesure où il n’existe pas de base de données semblable. « L’astuce, c’est d’aller sur Spotify ou YouTube chercher les crédits. Sur YouTube, vous les trouvez en général en-dessous de la vidéo, avec les sigles © et ℗. Le premier pour le copyright, donc les droits d’auteur, et le second indique le nom du producteur ou du licencié, en tout cas de celui qui détient les droits sur le master du titre. Avec ça, celui qui veut l’utiliser dans une pub, un film, une série, un documentaire - ce qu’on appelle la synchronisation - sait qui sont ces deux entités dont il doit obtenir l’accord pour ne pas se retrouver avec un avocat aux fesses. »

Chercher dans le domaine public

Une musique libre de droits, donc pas protégée, peut l’être parce qu’elle est tombée dans le domaine public. Cela signifie que les ayants droit (auteur, compositeur, arrangeur) sont morts depuis plus de 70 ans. « Et s’ils sont plusieurs, précise Jean-Christophe Lardinois, c’est le dernier qui est mort depuis plus de 70 ans. Attention aux droits voisins, ceux du producteur de phonogrammes, qui, eux, durent 50 ans à partir de la première commercialisation de l’enregistrement. Très concrètement, ça veut dire qu’une musique de Mozart est libre de droits mais la musique de Mozart qu’on trouve sur un CD et qu’on voudrait utiliser ne serait libre de droits voisins que si le CD a plus de 50 ans. »