L’intégrale de la musique

Imaginée en 2019, concrétisée fin de l’année 2020, la Datcha est un nouveau lieu de résidence pour les artistes « en chemin, en expérimentation, en chute libre, en totale perdition… en rodage », dixit leur site. Située sur la commune de Seneffe, au bout du village de Feluy tout près du canal, elle constitue à tout moment de l’année un lieu de travail et de création à moins de 40 kilomètres de Bruxelles. Visite guidée de ce lieu atypique, chaleureux aussi proche de la nature que de la culture.

Pas simple de rencontrer deux des trois protagonistes du projet ! En effet, Élisa Firouzfar est une comédienne très occupée et Andrea Pesare, guitariste et membre de TUKAN – groupe en pleine ascension (cfr. Larsen°50) –, est en pleine tournée. C’est finalement la visioconférence qui rassemblera tout le monde entre Feluy, Bruxelles et Namur. Andrea et Élisa habitaient déjà la maison et la conversion en résidence pour artistes s’est opérée assez naturellement : « Nous avons commencé à monter ce projet avant le Covid, précise Élisa. Ma mère, Anne Meesters, propriétaire de la maison, ne voulait pas la mettre simplement à disposition de locataires, elle souhaitait vraiment en faire un espace de création. Elle a un atelier de vitraux. Et donc, Anne a proposé à Andréa de créer un studio d’enregistrement et m’a suggéré d’y accueillir des résidences d’écriture théâtrale. » Quelques travaux ont donc été réalisés dans la maison afin de recevoir projets et artistes… puis il y a eu le Covid. C’est en sortie d’épidémie que la Datcha a suscité énormément d’intérêt et de demandes diverses. Beaucoup de groupes souhaitaient sortir de Bruxelles et travailler à Feluy. « Cela a été comme une évidence de mettre à disposition cet endroit. Une Datcha, si on prend le terme au sens paysan, c’est une petite maison avec un espace de terre pour y cultiver quelque chose. » Belle métaphore !

Au départ, les concepteurs voulaient avoir leur propre lieu pour y développer leurs projets (théâtraux pour Élisa, musicaux pour Andrea et le travail du vitrail pour Anne), voire ceux de leurs ami·es. « Avec le temps, nous nous sommes rendu compte que cela pouvait aussi fonctionner avec des groupes et des personnes que l’on ne connaît pas forcément. Alors nous avons créé l’asbl la Datcha et développé un site internet. J’ai aménagé le lieu afin qu’il soit “tip top” au niveau du son. Nous avons investi pour pouvoir accueillir et loger de manière qualitative des groupes de 5 à 6 personnes », souligne Andrea.

Quelles sont les types de résidences demandées ?

En matière de musique, la Datcha reçoit principalement des groupes qui se préparent à rentrer en studio d’enregistrement. Bien que le matériel mis à disposition ne soit pas aussi perfectionné que celui des studios professionnels, l’infrastructure est idéale pour concevoir démos et maquettes. « La plupart des résidences se consacrent essentiellement à la création, à l’écriture. L’espace convient parfaitement pour se retrouver dans la nature hors de la ville et pouvoir se mettre dans un cocon avec son groupe durant plusieurs jours. TUKAN répète ici et y a enregistré l’album Atoll avec du matériel supplémentaire ». Concrètement l’espace consacré à la musique est composé de deux pièces, l’une pour la régie et l’autre pour l’enregistrement, isolée acoustiquement de manière à obtenir une qualité professionnelle. Plusieurs albums ou EP ont été enregistrés à la Datcha, on peut entre autres citer Jean-Paul Groove, CIAO KENNEDY ou Indigo Mango. Glass Museum et Saudade Experiment y sont également résidents. « Comme Andrea travaille au Volta à Anderlecht, précise Elisa, il y a une antenne qui s’est créée en dehors de Bruxelles et le bouche à oreille nous a amené un tas de groupes différents. » Par exemple, cet été, TUKAN a préparé son set pour le festival de Dour en même temps que l’artiste jazz et afro-soul Reinel Bakole. « Il y a une volonté de décentraliser la culture de la capitale, c’est donc à nous d’aller travailler dans les lieux culturels aux alentours comme la Centrale à La Louvière par exemple. En tant que comédienne, j’ai l’habitude de changer d’institution en fonction de mes projets, cela permet de créer des contacts et également de répondre à des demandes d’institutions montoises ». La rareté et les prix des locaux de répétition à Bruxelles conduisent aussi les artistes à s’exiler de la capitale. Anne, Élisa et Andrea souhaiteraient travailler à l’obtention d’un subside et lancer des partenariats, afin de créer une véritable dynamique de soutien envers des projets qui leur tiennent à cœur… mais le temps manque. « Nous répondons toujours à la demande dans une dynamique de partage. Nous voulons rencontrer les groupes qui, parfois, se connaissent et vont peut-être collaborer, voire croiser leurs disciplines. À l’avenir, nous aimerions proposer des événements, notamment en été, dans le jardin qui donne sur un champ. Nous avons des idées de festival mais nous n’avons encore rien envisagé concrètement. »

La Datcha est aussi un lieu dédié à la dramaturgie et à l’écriture comme celle de contes, de scénarios pour des spectacles mais plutôt en amont. « Nous avons une petite annexe qui permet aux personnes de s’isoler. L’espace peut aussi être utilisé pour des sorties de résidence où l’on peut montrer son travail à des professionnels, afin d’avoir un regard extérieur. » Le trio a aussi envie de développer des collaborations locales avec le village, via des ateliers de rencontres autour du vitrail et peut-être y inviter des écoles de la région… Imaginant même une release party couplée avec une exposition. Tout (ou presque) est donc possible dans ce lieu hors du temps où les artistes et créateur·trices se sentiront à la maison.

Plus d’infos : www.datchafeluy.be