L’intégrale de la musique
© photo : Stéphane Risack

Sous la grande salle du Cirque Royal, il y a désormais The CLUB, une plage de béton lissé ouverte au sous-sol de la mythique institution. Cette nouvelle adresse complète l’offre de lieux de petite jauge à Bruxelles, mais sa petite taille ne réduit pas pour autant son ambition.

Sous sa visière, une entrée de verre. Derrière une façade haute, la grande salle au dôme. Le Cirque Royal ne cache pas son époque de construction, 1953 ; le mouvement moderniste y a laissé son empreinte sous la main de l’architecte Charles Van Neuten. L’institution bruxelloise existait pourtant bien avant et l’ouverture du CLUB révèle un autre temps de son histoire. À la fin du 19e siècle, des promoteurs privés du quartier commandent un endroit de spectacle de cirque. À un petit vol de pigeon de la colonne du Congrès, une impressionnante construction – une structure de métal polygonale de 20 côtés – insère sa façade dans la rue de l’Enseignement, entre deux maisons bourgeoises néo-classiques. De ce premier édifice inauguré en 1778 ne reste qu’un sous-sol à colonnes et voussettes, plus ou moins laissé à l’abandon pendant des dizaines d’années. Dès son entrée en fonction, et alors que la grande salle vient de subir une rénovation complète, l’actuel directeur, Denis Gerardy, suggère à la Ville de Bruxelles, propriétaire des lieux, de réhabiliter ce sous-sol. La réalisation du projet prendra du temps. Ce n’est pas uniquement la faute à la crise sanitaire mais elle n’a certainement pas aidé.

Inauguré le 30 mai dernier, le CLUB tout neuf, 350 places debout, 180 assises, s’enroule autour d’une portion d’un fût central en briques brutes. Il s’agit de l’ancienne piscine aux phoques, indique un plan d’époque. Elle pouvait s’ouvrir au centre de la scène, à l’étage au-dessus. Des petits abreuvoirs en pierre rythment la base du cylindre ; l’endroit accueillait jusqu’à une centaine de chevaux. Il y eut même, dit-on, des éléphants et des fauves ! Une autre faune, tout aussi variée, devrait à présent se rassembler sous ses voûtes. Brut de matériaux, intime par ses dimensions, scène de 70 m², la salle se trouve équipée d’un « kit son et lumière dernier cri », décrit son directeur. Et, côté public, rendue accessible, comme il se doit, aux personnes à mobilité réduite. Deux loges flambant neuf complètent l’offre. Le Cirque, vite devenu Royal par la grâce de Léopold II, a vu défiler des compagnies du monde entier, jusqu’en 1913. Toutes sortes de spectacles – revues de music-hall, pantomimes, concerts (déjà), ballets, représentations sur glace etc. s’y sont tenus depuis… et même des meetings politiques. « Le CLUB renoue avec la tradition du music-hall », insiste Denis Gerardy. Un esprit d’ouverture aux différentes disciplines artistiques affirmant une certaine vision de la culture.

Jouer au CLUB de Bruxelles

« La programmation doit être le reflet de ce qu’il se passe dans la grande salle, poursuit le directeur. Aujourd’hui, au Cirque Royal, un groupe comme Midnight Oil peut monter sur scène le lendemain d’un spectacle de danse contemporaine… juste avant la prestation d’un humoriste ! » Pas sectaire, pas fermé, ce Club. « Il y a beaucoup de musique, bien sûr, et de tous les styles, mais aussi du théâtre ou du stand-up », un créneau porteur. Des directions d’écoles du quartier ont contacté l’institution, demandeurs d’un lieu de spectacle pour leurs élèves. « Il s’agit d’une salle publique, financée avec de l’argent public, elle doit servir la plus grande diversité artistique. »

Du côté des artistes, ils sont de plus en plus nombreux à avoir besoin de ce type de structure, à petite jauge. Denis Gerardy: « Auparavant, il leur était possible de démarrer dans une salle de 1.000 personnes. Aujourd’hui, les artistes doivent augmenter progressivement les jauges. Et je vois qu’on a beaucoup de demandes de la part de petites structures qui s’occupent d’artistes émergents. La ville a accepté qu’on travaille, au niveau de la location du CLUB, à un prix plancher. Ce qui permet aussi de plafonner le prix des places à maximum 20 euros. » La petite salle se veut un outil clé sur porte, ce qui ne veut pas dire que le directeur dit oui à tout, sourit-il. Le lieu accueillera encore des résidences ou des créations de spectacles, facilitant, avec une proposition de tarif encore plus avantageuse, le travail des artistes – balle dans le camp des Bruxellois et Bruxelloises.

Cercle ouvert

Pourquoi The CLUB ? À l’énoncé du mot générique, les références pleuvent. Boîte, bar, music-club stimulent un imaginaire, sulfureux éventuellement, mais aussi avant-gardiste et évocateur de sous-sols, berlinois ou new-yorkais, où s’inventent de nouvelles façons de vivre la culture. Devenir membre d’un club suggère un univers de réunions privées, voire sélectes ou secrètes. Plus pragmatiquement, et après avoir frôlé “L’Underground” (qui reflétait le côté développement d’artistes, de résidences), “La Factory” ou encore “Les Écuries”, la nouvelle salle fut baptisée The CLUB. Un nom qui s’est imposé de lui-même. Les professionnel·le·s du secteur posaient la question : « Quand est-ce qu’il ouvre, votre club ? ». « On a conservé le terme », explique le directeur. En majuscules.

Petit bémol, les deux salles, la grande et la petite, bien que complémentaires, ne peuvent pas fonctionner en même temps. Cette contrainte sonore a vite été surmontée : bienvenue à l’alternance et aux plages horaires créatives. Le CLUB programme des spectacles courts à partir de 19h, qui devraient attirer les travailleurs bruxellois. Autre proposition : 22h30. Ce qui laisse le temps de manger avant le concert. Les restaurateurs du quartier, malmenés par la crise sanitaire, se réjouissent et, avertis de l’affluence et du type de spectacles, adaptent leurs commandes à leurs fournisseurs – oui, il semble que les amateurs de rock ne sélectionnent pas les mêmes plats que les adeptes de ballet… Denis Gerardy soigne également les relations avec les riverains, il rencontre leurs représentants une fois par mois, « ça fait partie de mes attributions ».

La salle prend son essor en douceur. Quelques groupes y ont joué en juin dernier pendant la Fête de la Musique. « On redémarre vraiment en octobre », communique encore son directeur. Portes ouvertes aux vents divers, maillé dans le tissu local, l’endroit devrait progressivement trouver sa vitesse de croisière. Allez ! Bienvenue au CLUB.