L’intégrale de la musique

Ingénieur mastering, Frédéric Alstadt a fait ses premières armes en France avant de s’installer à Bruxelles en 2006. Depuis cinq ans, Ångström, son studio, s’est spécialisé en gravure vinyle, le seul dans son genre en Belgique. Il connaît pour l’heure un surcroît d’activité… et pas uniquement parce que l’intérêt pour le support va toujours croissant : « Les artistes sortent des vinyles pour les défendre sur scène mais ils ne sont plus sur scène depuis le début de la pandémie. Or ces derniers temps, la production de musique est en hausse : tout le monde envoie des vinyles ! » Voici ses conseils pour en finaliser un qui soit digne de ce nom.

Tenir un agenda

Paradoxalement, le premier paramètre à prendre en compte n’a rien à voir avec le son, mais bien avec le revival du vinyle et ses conséquences pratiques. « Le secteur est sous pression, dit Frédéric Alstadt. Les usines de pressage qui restent n’avaient plus l’habitude de presser autant. Dans la chaîne de production, tout le monde est un peu surchargé. » Pour éviter que votre vinyle arrive après la date de sa sortie ou après la release party, il convient donc de bien tenir son agenda. « Faire attention à ses plannings, ce n’est pas s’y prendre bien à l’avance mais c’est se mettre en contact avec ses partenaires. Que ce soit le studio de mastering, le studio de gravure ou ensuite le presseur. Pour accorder les violons, que tout le monde communique correctement et fasse du bon travail dans le temps imparti. »

S’adresser à un studio dédié

Dans le processus de fabrication d’un vinyle qui sonne bien, l’étape du mastering et de la gravure est importante. Mieux vaut donc oeuvrer avec des gens qui savent travailler pour le vinyle, souligne Frédéric Alstadt. « Nombre d’ingénieurs du son annoncent en être capables alors qu’ils n’ont jamais vu une graveuse autrement qu’en photo ou que le peu qu’ils ont lu sur le vinyle se trouve sur le web. » Par ailleurs, une machine à graver n’est pas une autre, toutes réagissent différemment. « Deux possibilités existent. On peut passer par un studio de gravure dédié. Ou alors on laisse les presseurs s’en occuper, mais avec le risque que ceux-ci s’adressent à des studios qui gravent à la chaîne, qui font donc des prix mais qui ne prennent pas trop de temps pour la gravure. Ils peuvent aussi faire la gravure dans des studios qu’ils ont en interne et, là également, ça se fait à la chaîne sans qu’on prête forcément attention à la musique. Pourtant l’étape du transfert est vraiment cruciale, c’est là qu’on fixe le son sur la matière ! »

Demander un test-press

Si la gravure a été correctement réalisée, ce qui se trouve sur le vinyle doit être, à peu de choses près, ce qui était dans les fichiers digitaux. N’empêche, il vaut mieux demander systématiquement un test-press, ce qui est au vinyle ce que le bon à tirer est à l’imprimerie. Des artefacts* peuvent en effet survenir. « Quand une laque (càd le tout premier disque, l’empreinte, celle qui sort du studio de mastering, - ndlr) est envoyée en usine, elle va d’abord être recouverte par une vaporisation d’argent. Ensuite, elle est placée dans une électrolyse où elle recevra une couche d’argent avant d’être  démoulée. À chaque démoulage, il peut se produire des arrachages de matière, ce qui provoquera des "plops" ou des "cracs" audibles sur le test-press. S’ils apparaissent exactement au même endroit sur plusieurs test-press, c’est le moule qui pose problème. Si c’est à des endroits totalement aléatoires, c’est la qualité du test-press qui est elle aussi aléatoire. »

Préférer le fichier streaming

Tous les artistes ne sont pas fortunés au point de pouvoir s’offrir ce qui se fait de mieux à chaque étape de la fabrication du vinyle. Certains se voient donc obligés de passer par l’usine de pressage pour réaliser la gravure. « Dans ce cas, plutôt que d’envoyer le fichier CD où le son est la plupart du temps très compressé, il vaut mieux envoyer le fichier streaming, c’est une version beaucoup plus dynamique et plus proche du master qui était gravé à la grande époque du vinyle. »

* Bruits indésirables ou crachements plus ou moins perceptibles