L’intégrale de la musique
© photo : Philippe Samyn & associés

Nouvelle peau et profonde transformation pour le bâtiment de la Maison de la Culture de Namur rebaptisé le Delta. Le nom illustre la convergence en un seul point d’initiatives amenées à se nourrir mutuellement et à générer un grouillement créatif propagateur. Visite en bord de Sambre et Meuse, de bas en haut, en long et en large, d’un lieu renouvelé aux multiples entrées.

Coup de force visuel, un plot, un silo, un fût, un phare ou un tambour tout blanc, comme échappé de l’incurvation de la façade originale : c’est le geste architectural planté par Samyn & Partners pour redéfinir l’ancienne Maison de la culture, construite en 1964, plans et dessins de Victor Bourgeois, et lui redonner de la voix. Sur les façades, des châssis de bois clair accentuant la verticalité réchauffent une ligne esthétique minimaliste tendance industrielle. Relativement peu d’éléments de l’ancienne structure viennent rappeler le passé. Restent le majestueux escalier et sa rampe cuivrée sur rythme de plexi, trois lustres monumentaux dans le foyer et ses colonnes cuivrées. Celles du hall d’entrée ont disparu sous le plâtre blanc. La zone immaculée louche du côté du « tiers-lieu », un concept intéressant de « troisième lieu » – après la maison et le bureau –, destiné à la vie sociale de la communauté et à ses pratiques spontanées, projette la directrice Bernadette Bonnier. Le public les choisira : des transats profonds l’attendent déjà et un mobilier adéquat est à l’étude. Cette entrée accessible à tout promeneur solitaire ou non illustre le désir d’ouverture et d’accueil infusé à travers tout le projet de la Province et la rénovation de son bâtiment « couteau suisse ». L’impressionnante infrastructure aux multiples fonctionnalités, mise à disposition des acteurs du monde socioculturel, reste pensée totalement à l’écoute de l’usager. L’infatigable directrice insiste : la maison se veut ouverte, dans tous les sens du terme, fluidité de l’intégration aux quais et au centre-ville tout proche, accès aux personnes à mobilité réduite mais aussi accès démocratique, activités de médiation, participation des citoyens à la vie culturelle et insistance sur la dimension politique de la culture avec, pour cette première année, deux fils rouges aux impacts forts : le genre et les migrations.

Explosion des cloisons

Dans la transformation, le Delta gagne deux salles en plus, dotées des dernières innovations techniques. La grande accueille jusqu’à 450 personnes assises, 600 debout lorsque les sièges disparaissent sous la scène. L’étage du « Tambour » cache une salle circulaire, scène centrale, et si on veut avec une jauge plus petite. La passerelle vers le bâtiment principal fait office de foyer, une petite buvette disponible sur demande. Troisième option : «le mediator», 80 personnes, un espace plus intime à hauteur de Sambre. Dans les entrailles du bâtiment, trois studios de répétition et d’enregistrement. Ils sont régulièrement squattés par les élèves de la Rock’Scool, un enseignement extra-académique de la Province de Namur, ou dispos sur demande. À la programmation des musiques « actuelles » – un terme qu’il estime d’ailleurs peu représentatif –, Samuel Vanden Heede officie depuis quelques mois aux côtés de Philippe Mobers. Son domaine de prédilection? Le hip hop. C’est difficile de faire sans aujourd’hui et cette orientation, ajoute-t-il, devrait aiguiller la jeunesse vers la nouvelle maison. (...)

Le jeune programmateur constate un décloisonnement des styles, l’évolution d’un public vers des choix plus éclectiques. Et les nouvelles circulations physiques du Delta y font écho : modularité, flexibilité intérieure, espaces ouverts au public, terrasse (verte) du dernier étage avec vue sur la citadelle. Là-haut, « le septième ciel », comme l’appellent les occupants des lieux, étale sa terrasse et deux lieux de résidences d’artistes, arts plastiques ou musiciens. Cet étage supplémentaire intègre encore une nouvelle salle d’exposition, entièrement vitrée, avec vue à 360°... époustouflante. La présence de boutiques et d’un restaurant avec terrasse, dont le démarrage est prévu en novembre, complète l’offre culturelle : une nécessité à Namur où le plein centre peine à exister après les heures de bureau. Pour l’ouverture du Delta qui s'est déroulée en septembre 2019, un bateau accosté non loin de là a permis de prolonger les espaces disponibles, augmentant encore les possibilités.

Débordements fertiles

Les habitants temporaires de la nouvelle maison ont aussi la possibilité de monter au premier étage pour feuilleter la centaine de publications d’art disponibles dans l’espace du Centre de documentation en arts ou encore de demander l’un des quelques 7.000 ouvrages consultables. Au même étage : le PointCulture, en pleine redéfinition de son activité, met le focus sur les musiques actuelles et les artistes émergents, avec de nombreuses revues musicales mises à disposition. Une autre présence dans les lieux et dont la convergence d’intérêt avec le Delta saute aux yeux, les Jeunesses Musicales investissent les salles de médiation et de concert. Décloisonnement, démocratisation, synergies, transdisciplinarité, émergence de la création, savoirs transversaux, etc. Les sédimentations diverses devraient au fil du temps imprimer leur marque physique à des espaces aujourd’hui encore un peu cliniques et où passe subrepticement un souffle nostalgique du charme vintage et obsolète de l’ancienne carcasse du bâtiment.

Delta, Avenue Fernand Golenvaux 28 à Namur, 081.77.67.73, www.ledelta.be

 

Un article issu du magazine Larsen°35 - novembre / décembre 2019