L’intégrale de la musique

Voilà un fameux défi que d’ouvrir une nouvelle salle de concert destinée à la musique classique en Wallonie. Depuis septembre, le CAV&MA s’est lancé dans l’aventure, avec pour objectif de faire de Namur une ville de référence pour les amateur·e·s du genre et les musicien·ne·s.

Les alentours sont encore en plein travaux. Le Grand Manège vient, lui, de clôturer enfin les siens, débutés en 2018. Située à quelques minutes de la gare de Namur, cette nouvelle infrastructure culturelle s’est implantée dans un ancien bâtiment militaire datant de 1856. Seules les anciennes façades du manège en brique ont été conservées. De grands blocs gris anthracite et blancs d’une surface de 6.000m2 sont aujourd’hui venus se greffer sur le côté et au-dessus de l’ancien bâtiment. Il faut dire qu’il fallait faire de la place pour accueillir à la fois les 1.700 élèves du Conservatoire Balthasar-Florence, académie historique du pays, et les nouvelles activités du CAV&MA, Centre d’Art Vocal & Musique Ancienne, qui s’occupe de soutenir la musique chorale et ancienne ainsi que le Chœur de Chambre de Namur.

Depuis le grand hall au sol bétonné, on peut rejoindre d’un côté les salles de cours de musique, des arts de la parole et de danse et de l’autre, la grande salle de concert, le Namur Concert Hall. D’une capacité de 800 places, cette salle aux fauteuils rouges et aux parois en bois a pour ambition de devenir un lieu de référence et de qualité pour les amateur·e·s de musique classique ainsi que pour les musicien·ne·s. Pour ce faire, l’acoustique, inspirée du célèbre studio quatre de Flagey, a longuement été étudiée. «En musique classique, il est très important de pouvoir proposer à nos musiciens et à nos ensembles, mais aussi à tous ceux qui vont pouvoir venir dans cette salle, des conditions vraiment parfaites, sans bruits extérieurs mais aussi avec une résonance qui peut partir de la musique d’église en passant par la musique symphonique», souligne Patricia Wilenski, directrice adjointe du CAV&MA.

Le lieu se veut donc polyvalent pour répondre à toutes les exigences et modulable pour différents répertoires, notamment à l’aide de pendrillons et de panneaux qui peuvent être réglés de manière très précise. Les spectateurs peuvent également profiter d’une bonne visibilité et d’une écoute optimale peu importe où ils se situent. «Ce ne sont plus les premières places qui sont privilégiées. On peut se mettre partout dans la salle, à l’arrière, au balcon ou sur les côtés, l’acoustique est la même.» Depuis début septembre, quelques concerts “tests” ont été organisés, avec notamment plusieurs passages du Belgian National Orchestra et la venue de petits ensembles.

La véritable inauguration est prévue pour le milieu du printemps. Plusieurs équipements doivent encore arriver pour compléter les éclairages et améliorer l’installation sonore. Les financements attendus ne sont pas tous arrivés. «Le bâtiment est totalement financé par la Ville de Namur, aidée par la Région wallonne. Nous étions un des seuls ensembles de Wallonie à ne pas avoir de lieu de répétition ou de représentation. Cela faisait 20 ans que nous étions nomades et que nous devions louer des salles pour enregistrer. Quand la ville a dit qu’elle voulait restaurer le bâtiment et nous l’octroyer, on aurait trouvé ça assez normal que la Fédération Wallonie-Bruxelles puisse participer», regrette Patricia Wilenski.

Avec la création du Grand Manège, le CAV&MA voit son champ d’activités se multiplier. «Ce n’était pas notre métier de gérer une salle. On avait comme mission de gérer et de produire nos ensembles. Ce n’est pas la même chose que de s’occuper d’une salle, de devenir producteur, diffuseur et d’accueillir d’autres personnes.» Le centre se rend cependant compte de toutes les opportunités qui s’ouvrent à lui avec ce nouveau vaisseau culturel. Les enregistrements de disques sont désormais plus aisés. Sémelé de Handel, repris par le Chœur de Chambre de Namur et le Millenium Orchestra vient d’ailleurs tout juste de paraître. Des synergies avec l’académie et l’IMEP (l’Institut Royal Supérieur Musique & Pédagogie) sont également envisagées. «Des enfants qui se destinent à une carrière professionnelle peuvent faire tout leur parcours à Namur. Ils ne doivent plus aller à Bruxelles ou à Liège. Et désormais, il y a une salle pour eux. L’IMEP nous a confirmé que cela manquait pour une école supérieure d’avoir un endroit dans lequel leurs élèves peuvent se produire, aller voir des choses, rencontrer des artistes.»

L’arrivée de cette salle permet également de redynamiser l’offre culturelle de la ville. Les Namurois·e·s ne devront plus se déplacer dans toute la Belgique pour se rendre à des concerts de musique classique ou baroque. La directrice adjointe du CAV&MA précise encore que des endroits de ce type manquent actuellement. «Ils ont besoin de lieux de répétition, d’enregistrement, de résidence. On pense que notre position centrale, Namur étant sur la dorsale wallonne, peut rendre service à beaucoup d’artistes issu·e·s de la musique classique.» La demande s’avère effectivement forte: le Grand Manège a déjà reçu plus de 700 demandes d’artistes de toute l’Europe pour venir enregistrer et profiter de l’excellente acoustique.

«L’Orchestre Philarmonique Royal de Liège a une très bonne salle, l’acoustique est excellente mais elle n’est jamais libre. Nous, nous n’avons pas un orchestre permanent, le chœur ne mobilise pas l’espace. On a donc vraiment un lieu qui va être disponible. C’est très important qu’il puisse être au service de la musique classique», assure Patricia Wilenski. «Cette musique est toujours considérée comme élitiste. On s’en rend d’autant plus compte en étant implantés dans ce quartier précarisé et diversifié. Et on remarque à quel point la musique permet de communiquer!» Pour s’intégrer au mieux dans le quartier, les équipes du CAV&MA ont discuté pendant plus de deux ans avec les habitants pour répondre à leurs interrogations et les inviter à prendre part au projet.

Pour rendre le lieu plus accessible, des captations des concerts seront projetées sur la façade blanche à l’extérieur. Une manière de casser les barrières, d’ouvrir la culture et de ne pas se cloisonner. Un petit amphithéâtre est également en phase de construction à l’arrière du bâtiment pour accueillir mieux encore les curieux·euses.

Un article issu du magazine Larsen 47 - mars / avril 2022

 

Galerie