L’intégrale de la musique
© photo : Atelier rock

Il y a des noms qui sont comme une étiquette dont il est difficile de se débarrasser. à Huy, voilà 30 ans que l’endroit s’appelle Atelier Rock. À l’origine, ça tombait sous le sens, c’était vraiment la vision et les goûts musicaux de ses fondateurs. Mais...

Trois décennies plus tard, ça fait évidemment réducteur ! Les goûts changent, les gens changent, glisse, philosophe, Patrice Saint Remy, membre du comité de programmation. On pourrait encore penser qu’on ne fait que du rock, mais ce n’est pas vrai. Ce n’est plus vrai !

L’équipe en place s’est attelée à décoller petit à petit ce sparadrap du Capitaine Haddock. La mutation suit son cours. Nous renforçons notre ouverture en termes de styles musicaux, explique Phil Henrion, programmateur lui aussi. Le nom existe depuis 30 ans, alors on fait avec. Ce serait bête de le jeter à la poubelle, il est ancré. Mais nous nous ouvrons, clairement, tous azimuts. On poursuit les coproductions avec le Centre Culturel tout proche (historiquement, la synergie est assez forte !). Et on pense même à une « soirée flamande », à du stand up... En attendant : Nous programmons des musiques du monde, du jazz, du rap... Ça part vraiment dans toutes les directions. Parce que la demande est là. Et parce que si tu ne fais que du rock, à l’heure actuelle, tu ne vas plus faire grand chose.

Dans la salle des coffres

Quai Dautrebande, face à la Meuse, l’endroit fut aussi une banque. Et la Kommandantur, pendant l’Occupation. L’entrée franchie, en haut d’une petite volée d’escaliers, on se retrouve tout de suite dans la salle. Jauge : 240 personnes. Nous sommes situés entre des clubs comme l’AB où de gros travaux d’aménagement ont été réalisés ou des lieux qu’on a carrément construit si on prend le Reflektor, et des lieux plus petits mais constitués de bric et de broc. Ici, nous avons laissé le bâtiment tel qu’il était, la grande salle était déjà la grande salle. Nous n’avons pas fait de gros aménagements mais les gens sont souvent étonnés par la qualité du matériel. C’est important : il y a beaucoup de clubs où on a peut-être mis l’accent sur le beau et où ça ne sonne pas. Ici en général, les gens sont contents du son.

Bon son et vraie convivialité. Qui se ressent d’autant plus dans le contexte sécuritaire qu’on connaît aujourd’hui. C’est une volonté aussi, souligne Patrice Saint Remy. Nous voulons que ça reste bon enfant. Je crois que ne pas avoir de vigile à l’entrée détend directement les gens. Ça permet aussi d’organiser des événements un petit peu plus pointus et des événements plus familiaux : tout le monde s’y retrouve.

Si disposer d’une « petite salle » est parfois un handicap, elle offre des avantages que l’on n’a pas ailleurs. La proximité avec l’artiste, par exemple. Avant tout, même... D’après Phil Henrion : Ici, quasiment à tous les coups, les artistes terminent dans la salle avec le public. Ça aussi, ça amène un côté sympa, et les gens savent maintenant qu’il suffit souvent d’attendre un petit peu après le concert... Nous avons vu ça avec Les Négresses Vertes, avec Trisomie 21, avec Daran : les artistes viennent au bar, ils le font même naturellement, et c’est un truc qu’on ne voit certainement pas partout. Les fans « très fans », nous les repérons tout de suite : eux vont d’office attendre l’artiste au bar ! Et si ce dernier ne remonte pas subito presto se désaltérer ou papoter, c’est qu’il a une bonne excuse : les loges. Aménagées dans l’ancienne salle des coffres, où ces mêmes coffres sont toujours en place derrière la grille d’usage, elles valent forcément le coup d’œil !

Concertation, Programmation

Notez, cet Atelier Rock, qui est également une école de musique, a quelque peu voyagé avant de se poser quai Dautrebande. Il a aussi été installé là où est le Quick maintenant, dans ce qui était l’ancienne maison communale. C’était déglingué de chez déglingué ! Je pense d’ailleurs que le Quick l’a racheté pour un franc symbolique en promettant de conserver le bâtiment tel quel. Et puis l’Atelier s’est retrouvé SDF. Le bâtiment ici « traînait », et voilà, nous en avons hérité. Pour le partager désormais avec Infor Jeunes, mais aussi la Maison des Jeunes que l’équipe voudrait impliquer plus souvent dans ses activités.

Il y a quelques années, la salle des coffres étaient encore remplie de divers rebuts jusqu’au plafond. L’espace n’était pas exploité, c’était vraiment trop bête ! Quelques travaux d’aménagement ont suivi, avec l’aval de la Ville. Essentiellement pour exploiter la place perdue, détaille Patrice Saint Remy. Du rangement, aménager une petite cuisine... Et faciliter le passage. Nous ne voulions pas nous retrouver dans une situation comme à la Soundstation, où les artistes devaient traverser le public pour monter sur scène.

L’année qui s’achève (2018) est donc aussi celle des 30 ans de l’Atelier Rock. Où l’on espérait un contrat-programme revu à la hausse. Nous avons été augmentés mais pas autant que nous l’espérions, dit Phil Henrion. Dans un premier temps, nous ne pourrons donc pas engager de personnel supplémentaire. La Ville nous a subventionnés un petit peu plus pour fêter cet anniversaire : c’est bien, c’est aussi une forme de reconnaissance. L’un dans l’autre, ça nous permettra quand même d’être un peu plus à l’aise au niveau programmation. Une programmation pilotée depuis quelques mois par un comité. Histoire d’avoir différents sons de cloche, mais aussi d’investir d’autres genres, comme l’explique son collègue : Auparavant, nous nous référions à une seule personne. Là, nous sommes six, sept... Nous avons tous des profils relativement différents. À la base, je viens plus de l’électronique, Phil du rock. D’anciens élèves y sont aussi entrés. Pour le reste, ce comité de programmation est très récent. Nous apprenons, aussi, tous en même temps, nous découvrons des choses que nous ne connaissions pas. C’est super intéressant, et dans le groupe, ça crée une émulation. Qui rime avec « mutation » : CQFD 

Un article issu du magazine Larsen°30 - novembre / décembre 2018