L’intégrale de la musique
Zik Zak | © photo : Nicolas Alsteen

Projet initié par une bande de mélomanes illuminés, le Zik-Zak est une salle atypique. Ici, les concerts se vivent au vert. Planté au milieu des champs brabançons, le lieu accueille des stars d’ici et d’ailleurs dans une ambiance conviviale et chaleureuse. Tandis que les vaches broutent l’herbe fraîche à l’extérieur, les guitares déchaînent les passions sur la scène du Zik-Zak. À chacun ses plaisirs.

Longtemps rêvé, enfin réalité, le projet d’Annick Botson se bonifie au fil du temps. L’idée d’ouvrir une salle me trottait dans la tête depuis toujours, explique-t-elle. Du genre à courir les festivals pendant tout l’été et même capable d’enchaîner quinze concerts d’affilée – sans jamais louper les premières parties –, cette mélomane de l’extrême s’est, pendant des années, heurtée à une évidence : l’absence d’un club digne de ce nom dans la région. Si le Zik-Zak comble aujourd’hui un vide, il convient de se montrer persévérant pour y arriver. Ici, nous sommes situés au n°28 de la rue de Tubize, précise Annick Botson. Mais pour la plupart des GPS, la géolocalisation s’arrête au n°16. Digne d’une chasse au trésor, l’itinéraire débouche finalement au pied d’une bâtisse en briques, érigée aux abords du parc d’activités économiques de Virginal. C’est ici, à deux pas de la commune d’Ittre, que tout a commencé. En 2016, j’ai rencontré Dominique Servranckx, retrace la gestionnaire des lieux. Il enseignait au Zik-Zak, une école de musique à Ways, près de Genappe. L’établissement voit passer de nombreux musiciens amateurs qui, tous, déplorent une carence en matière de diffusion dans le Brabant wallon. Face à l’exaspération collective, la paire Botson-Servranckx passe à l’action. Après plusieurs mois d’investigation, nous avons trouvé cet endroit, autrefois connu sous le nom de La Passion. On y organisait des spectacles et des banquets. Par la suite, les gérants ont réorienté leurs activités en ouvrant une discothèque. Ça n’a pas duré longtemps... La salle passe ensuite sous pavillon chinois. Un restaurant asiatique y ouvre en effet ses cuisines, espérant appâter les amateurs de nems dispersés dans la région. Mais l’initiative se solde par un cui-sant échec. Ces différentes affectations nous convenaient, souligne Annick Botson. Les locaux étaient déjà équipés de loges, d’un bar et de sanitaires. Nous sommes devenus locataires. Les travaux ont commen-cé et nous avons trouvé des partenaires financiers pour nous soutenir dans ce projet un peu fou. Tout a été payé sur fonds propres.

En quelques semaines, une scène est montée et des panneaux d’isolation sonore sont installés. Rideaux, sono et jeux de lumières viennent compléter le tableau. Le Zik-Zak ouvre ses portes en octobre 2016. Les débuts ont été difficiles. Nous cherchions un public et, pour ne rien arranger, les objectifs de l’école de musique ne s’accordaient pas à ceux de la salle de concerts. D’un côté, l’idée était de mettre l’espace au service des amateurs. D’un autre côté, l’ambition était de pousser les artistes émergents, tout en programmant des têtes d’affiche. Les divergences de point de vue divisent profondément la petite équipe. La fracture devient inévitable, provoquant le retrait de l’école de musique. Nous avons conservé le nom Zik-Zak en référence à la genèse du projet. Rescapés de l’équipée originelle, Manu Prete et Annick Botson s’associent bientôt à l’ingé-son Olivier Delescaille et Nicolas Sand, passionné de blues et batteur du groupe Fred and the Healers. Au départ, nous avons misé sur la découverte. Mais les gens du coin ne se bougent pas pour des artistes qu’ils ne connaissent pas. Désormais, nous produisons des groupes belges et internationaux en offrant, à chaque fois, les premières parties à des projets émergents. Chez nous, cette formule fonctionne.

Couvre-feu et BBQ

En trois ans d’existence, le Zik-Zak a notamment vu défiler Les Négresses Vertes, Marka, No One is Innocent, Channel Zero, Jasper Steverlinck ou Punish Yourself. Au niveau de l’affluence, la salle peut contenir 249 personnes. À terme, nous prévoyons d’agrandir la porte d’entrée. Ce qui, légalement, nous permettrait d’accueillir plus de monde. Dans un endroit comme celui-ci, tout est une question d’équilibre entre les bouillons et les soirées à guichets fermés, explique Annick Botson. Pour ça, une artiste comme BJ Scott nous fait du bien. Elle remplit la salle sur son seul nom. Elle a déjà joué ici à deux reprises. La dernière fois, il faisait tellement beau que nous avons ouvert les fenêtres pendant ses balances. BJ trouvait ça dingue de répéter devant les vaches, juste en face des champs. L’épisode peut prêter à sourire, il témoigne pourtant de la position stratégique des lieux. Sans voisin direct ni vis-à-vis, le Zik-Zak n’empêche personne de dormir. Nous décidons de l’heure de fermeture en fonction de l’ambiance. Il n’y a pas de couvre-feu. La seule boîte attenante est une entreprise de food-trucks. Les soirs de concerts, ils s’installent sur le parking devant l’entrée. Ils n’ont aucun frais de déplacement et rien à payer pour leur emplacement. Pour nous, c’est une aubaine. Parce qu’en l’absence de cuisines aux normes, nous ne sommes pas autorisés à vendre de la nourriture au public. C’est donc un échange de bons procédés.

Occasionnellement, le Zik-Zak loue ses locaux à des organisations extérieures. Nous avons ainsi accueilli deux soirées labellisées rétro house. Vu le succès, nous avons essayé de leur emboîter le pas en pro-duisant une date de DJ Furax. Un vrai flop... Cet échec nous a donné l’occasion d’affiner notre identité. Notre truc, ce sont les guitares. Quand nous programmons d’autres styles musicaux, nous n’y mettons pas autant de cœur. Nous sommes bien conscients de la place qu’occupe aujourd’hui le hip hop, par exemple. Mais ça ne nous parle pas... En plein développement, le Zik-Zak garde toujours un œil sur l’offre bruxelloise. Si nous faisons venir un groupe qui passe juste avant par la capitale, nous n’avons aucune chance... Chez nous, ce qui marche bien aussi, ce sont les reprises. Notre public raffole des soirées « tribute ». À l’avenir, nous allons encore diversifier nos activités en proposant un ser-vice de résidence aux musiciens et en inaugurant un cycle estival avec BBQ et concerts acoustiques. En termes de fréquentation, l’évolution est positive. D’autant que nous avons réussi à créer une communauté au-tour de la salle. Le bouche-à-oreille fonctionne bien. En ce sens, notre pari est réussi : nous avons créé un pôle musical dans une région où il n’y avait absolument rien.

Un article issu du magazine Larsen°33 - mai / juin 2019