L’intégrale de la musique

C’est cette double casquette et une équipe énergique en diable qui a permis au 210 de survivre pendant 13 ans. Contrat-programme aidant, désormais, dans ce qui est aussi un lieu de vie, on parle « long terme », « aboutissement »... et « travaux » !

Et le miracle fut ! En novembre 2017, quand le dossier rentré par le 210 s’est retrouvé converti en contrat-programme. Avec un subside annuel de 575.000€, on allait enfin pouvoir respirer, chaussée Saint-Pierre. Envisager. Notamment un petit lifting des lieux : rien de somptuaire, juste de l’essentiel pour l’endroit officiellement présenté comme « un espace culturel pluridisciplinaire dédié au spectacle vivant. » Il faudra cependant attendre encore un peu avant de s’y précipiter : pour l’heure, ce sont les machines et l’équipe technique qui s’y activent. C’est la première fois qu’au 210, on peut prévoir à cinq ans, se réjouit Xavier Daive, cofondateur des lieux. Jusque-là, pour la saison des concerts, le Club Plasma officiait comme seule « poche » de subsides. Et pour le théâtre, on faisait avec des queues de budget ! Les créations théâtrales seront plus nombreuses à l’avenir : juste retour des choses !

Deux coupoles et une tuile

À l’origine, il y a Benoît Roland, accro au théâtre depuis ses études à Saint-Michel, et Xavier Daive, passionné de musique, alors organisateur de fêtes à Louvain-la-Neuve. Leur idée : combiner les deux. À condition de pouvoir dénicher une salle équipée de sièges amovibles. Après l’avoir trouvée, racontait il y a quelques années le second dans une interview à La Libre, et après une longue réflexion, on s’est arrêtés sur l’appellation « Atelier ». Elle convenait à nos deux activités et, surtout, mettait l’accent sur l’aspect création, qui reste notre spécificité. Nous sommes alors en 2005, et la Communauté française décide qu’aucun « nouveau lieu » ne bénéficiera encore de subventions ! L’équipe va donc nouer des bouts de ficelle, cultiver l’art de la débrouille et exploser les quotas d’heures sup’ pendant... 13 ans ! C’est improbable que le 210 soit encore debout, commente aujourd’hui François Custers, en charge de la programmation musicale (notamment, on y reviendra). Et qu’il ait réussi malgré tout à attirer un public, en constante croissance avec les années.

La visite du chantier débute à hauteur des toilettes en cours de réfection. C’en est fini des soucis d’inondation ! On rit, mais, explique Camille Loiseau, la chargée de communication : Nous avons mené une enquête de satisfaction et elles sont régulièrement revenues dans les « qu’est-ce qui ne vous plaît pas au 210. » Les travaux permettront d’améliorer la qualité d’accueil du lieu. Agencer la billetterie, avoir une équipe de barmen qui tourne bien... Nous voulons que ce soit un lieu où les gens se sentent bien et n’aient pas peur d’arriver trop tôt, préférant aller attendre leurs potes dans un café aux alentours.

« Confortabilisation », oui, mais pour améliorer l’outil. L’annonce de novembre a évidemment fait jaillir des milliards d’idées (sic). Il a fallu retrouver son calme : désormais, c’est droit au but, et efforts échelonnés. Xavier Daive : La mission première reste d’organiser de chouettes soirées, de monter de bons spectacles. L’équipe s’en trouvera néanmoins aussi remise aux normes quant à sa taille et aux rémunérations. Ça nous permettra aussi d’avoir plus de techniciens, précise sa collègue. Et du renfort au bureau. Il y avait déjà eu pas mal de sauvetages, avec le crowdfunding notamment, mais ça commençait à devenir un peu compliqué.

Pour toi public

Dans la salle (450 places debout, 350 en mode assis), les sièges ont été démontés. Près de l’entrée s’élèvent deux nouveaux espaces, l’un pour la technique, l’autre pour la réserve bar. On nettoie le béton du sol et ça fait du bruit. Dust is everywhere, chantent les Américains de Parquet Courts, sweep ! Les voisins apprécient ? Pas de souci avec eux, assure Camille Loiseau. Et les voisins directs sont en vacances : on est quand même dans une école (l’Institut Saint-Stanislas - ndlr), donc on sait que le soundcheck doit se faire à telle heure, pour que les classes ne soient pas dérangées...

Quelques marches de plus, étage du dessus. Ce qui est actuellement l’espace catering des artistes devrait devenir un lieu aussi accessible au public. On imagine quelques fauteuils, des podcasts à écouter, des magazines, un second bar pour certains événements... Faire du théâtre et de la musique dans une salle qui s’y prête, c’est une chose, une autre est d’amener le public du théâtre aux concerts et inversement. Dans le hall, déjà, les affiches sont mélangées. Traduction : on ne fait pas « un peu de tout ». Côté comm’, on insiste : Ce sont deux programmateurs, deux expertises, deux réputations ! Il y a les fidèles du 210 qui vont venir un peu à tous les événements quand même, prendre le pass, etc., mais la plupart du temps, les publics « théâtre » et « concerts » sont extrêmement différents. Nous, on s’arrange pour que le lieu soit habillé de sorte que les gens puissent identifier clairement qu’il y a des concerts et du théâtre.

Dans le bureau, sur le panneau agenda, il y a des noms dans toutes les cases. En perspective : moins d’inquiétude de trésorerie, éventuellement plus de risques sur certaines dates. François Custers détaille : Pour la première fois, on va se retrouver avec une saison où tout est assumé de A à Z. On tourne là autour de 40 concerts, 6 spectacles et un festival. Plus les extras comme les projections et les Blackout Sessions. Le contrat-programme ne veut pas dire « qu’est-ce que le 210 va faire maintenant », « qu’est-ce qui va changer ». Non : on a enfin l’occasion de faire aboutir ce qu’on essaie de faire aboutir depuis 13 ans au bout de tous les moyens et de toutes les combines DIY possibles. Maintenant, on peut défendre le projet qu’on pense être bon depuis le début, mais avec des ambitions correctes.

Un article issu du magazine Larsen°29 - septembre / octobre 2018