L’intégrale de la musique
Glauque | © photo : Bernard Babette

En Belgique francophone, la richesse musicale est indéniable. Malheureusement, beaucoup d’artistes manquent de promotion en radio et en télévision. Il existe bien sûr des quotas de diffusion très largement respectés par les radios tant publiques que privées. Malgré toute la bonne volonté des programmateur·trice·s, beaucoup de talents émergents restent dans l’ombre. Pourtant en cette période de disette pour les artistes, leur visibilité est essentielle.

«Nous avons un vivier d'artistes incroyables dans tous les genres ainsi que des stars qui dominent le marché français et belge mais peu de gens en ont conscience, tant dans les médias que dans le public. Comme il y a en beaucoup, les plus visibles, les plus populaires sont mis en avant », regrette Valérie Dumont, attachée de presse indépendante chez This Side Up. En effet, nos talents, que ce soit en musique urbaine, en jazz ou en rock, traversent les frontières et impressionnent les professionnel·le·s européen·ne·s. D’un autre côté, beaucoup d’artistes passent à la trappe. Pour Marc Radelet, attaché de presse indépendant chez Team 4 Action, les formats musicaux stricts de la plupart des radios sont en partie responsables de cette situation : « Il y a des artistes qui ne collent à aucun format et sont dans un “no man’s land”. La nouveauté est souvent perçue comme une prise de risque pour une radio. Un talent inconnu ne peut compter que sur la qualité intrinsèque de sa composition. Comme il y a énormément de nouveautés, un artiste déjà connu aura priorité puisque le but d’une radio c’est de faire de l’audience.» Du côté des programmateur·trice·s, la découverte, le coup de cœur et la qualité du morceau restent les principaux critères de sélection comme le rappelle Alexandra Vassen, Head of Music sur La Première. « Pour une radio qui n’est pas musicale, en 2020 nous avons diffusé environ 100 artistes actifs en FWB, nous avons même quasiment doublé notre quota. » D’autres radios ont certes l’envie de faire découvrir des nouveautés mais de façon plus sporadique, c’est le cas de Contact, une radio essentiellement musicale : « Nous prenons uniquement des nouveautés qui rentrent dans notre format. Même si la pression de la part du secteur du disque est forte, le nombre de nouveautés est strict. On teste un titre pendant une semaine, s’il plaît, nous augmentons sa rotation sinon on le retire de la playlist », explique Michel Tournay, responsable de la Musique. En effet, les titres sont testés chaque semaine sur un panel d’auditeurs afin d’ajuster le nombre de diffusions qui peut aller jusqu’à 30 fois la semaine. Chez NRJ, la découverte est toujours possible comme le souligne Nicolas Fadeur, directeur des programmes : « Nous proposons aux artistes d’envoyer un mail à notre bureau de programmation et on essaye de répondre à chaque personne qui envoie sa démo. C’est comme cela que nous avons lancé Ben’do, il y a 2 ans, un artiste belge qui n’avait pas de label. »

La radio : toujours essentielle ?

Depuis début 2000, avec l’apparition du streaming, des réseaux sociaux et des plateformes de diffusion, de nombreux artistes font leur promo via le web. Serge Jonckers, Music Content Manager à RTL Belgium : «Aujourd’hui, l’aspect découverte, est un peu mis sur le côté. Au-delà des quotas, il faudrait retrouver un esprit plus aventureux. Depuis la pandémie, on s’aperçoit que les radios passent de plus en plus de talents belges, donc c’est possible! » Pour Valérie Dumont, même si 50 % de la communication et de la promotion des artistes ne se fait plus que par le digital et les réseaux sociaux, la radio et la télévision restent indispensables pour élargir leur public !

Suite aux conséquences de la pandémie, des initiatives se sont mises en place pour soutenir le secteur musical, notamment à la RTBF. Le plan Restart offre un soutien aux artistes locaux et aux entreprises de l’audiovisuel comme l’explique Akima Darhmouch, responsable du pôle Culture et Musique : « On a créé une salle de concert virtuelle. Depuis le mois de mai, nous avons enregistré 12 concerts avec Court-Circuit visibles sur Auvio et chaque chaîne de radio peut aussi faire rayonner ces artistes de son côté. » En décembre dernier, la RTBF a reçu 1,6 million d’euros pour financer la captation et l’enregistrement de différents spectacles (théâtre, concerts...) en Wallonie et à Bruxelles pour les diffuser ensuite librement sur Auvio, le portail multimédia de la RTBF : «Nous allons prolonger l’expérience de la salle de spectacle virtuelle avec la captation de plus d’une trentaine de concerts virtuels des artistes de la FWB, un travail réalisé main dans la main avec les salles et le secteur musical» annonce Akima Darhmouch. Plus modestement, Bel RTL a , depuis janvier, mis en évidence un artiste émergent en rotation forte c’est-à-dire 3 ou 4 fois par jour pendant 15 jours comme il le ferait pour un·e artiste confirmé·e.
Le Focus/le Vif a organisé cet été 8 mini-concerts en extérieur en formules apéro dans le but de soutenir les artistes locaux. Sans lien avec la crise sanitaire, citons aussi la naissance de Jam. Cette radio digitale de la RTBF disponible en DAB+ et sur le web, propose des artistes émergents de tous pays. « Bien sûr, le DAB n’a pas le même taux de pénétration que la FM, souligne Bernard Dobbeleer chef de projet, mais nous ne sommes soumis à aucun quota. Il n’y a pas de barrières musicales : électro, nu jazz, hip hop, indie, rock, pop...» Jam propose 50 nouveautés par semaine dont une partie est issue de la FWB et se donne pour mission de contrer le streaming par algorithmes avec un vraie programmation.

Une presse écrite “libre”

Pour Laurent Hoebrechts, coordinateur Musique dans le Focus/Vif, il n’y a absolument aucune obligation : « Si on parle d’un projet, c’est pour sa qualité musicale. Sur notre site internet, on a forcément plus d’espace et de place pour les artistes de la FWB. On fait plus facilement des angles belges comme par exemple les clips belges de la semaine... Un artiste peut avoir un papier sans passer à la radio et la TV et parfois j’ai l’impression que derrière ça ne suit pas, ni au niveau du public ni au niveau des médias. »

Thierry Coljon, journaliste musical au journal Le Soir, confirme cette liberté de choix : « On n’a pas attendu la crise du Covid pour parler des artistes locaux, c’est notre mission en tant que premier quotidien de la FWB. On parle de toutes les musiques et notamment des belges parce qu’on trouve ça passionnant et intéressant. » Pour son collègue Jean-Claude Vantroyen, chroniqueur jazz, le paysage jazz est très riche en Belgique mais le paysage médiatique l’est beaucoup moins : « La production est telle que je n’arrive pas à parler de tout. Dans la presse écrite francophone, il n’y a pas grand-chose... En radio Philippe Baron et Patrick Bivort font du très bon travail. Et le fait qu’un quotidien comme Vers L’Avenir parle de cette musique, permet de toucher un autre public. »

Et... en télévision ?

« Sur RTL et Plug RTL, vu les coûts de production et les économies dans lesquels nous avons été embarqués, les émissions purement musicales ont disparu», regrette Serge Jonckers.Au sein du service public, la musique a toujours sa place sur La Trois et à TIPIK notamment : « Notre credo pour la plupart des émissions produites au sein de la thématique Culture de la RTBF, c’est la mise en valeur des artistes de la FWB, quelle que soit leur discipline comme par exemple dans l’émission Plan Cult sur la Trois. Sur Tipik, dans Décibels, sur 16 captations d’artistes, il y en a eu 13 de la FWB », souligne Hakima Darhmouch.

Ainsi, l’espace dédié aux artistes émergents existe bel et bien mais il pourrait être bien plus important! Dans une communauté de 4,3 millions d’habitants, c’est la complémentarité des différents médias qui pourrait faire exister davantage de nouveaux talents... toujours plus nombreux. Car en effet, comme le rappelle Marc Radelet : « Si un titre est diffusé sur plusieurs radios, pour l’artiste ça change la donne ... »

Un article issu du magazine Larsen°41 - janvier / février 2021

 

 

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