L’intégrale de la musique
© photo : Samir Barris

Du duo féminin Blondy Brownie à son projet jeune public Ici Baba, en passant par un groupe de reprises de Julien Clerc, des dj’sets, une fanfare ou une tournée mondiale où elle a accompagné la pianiste danoise Agnes Obel, le parcours de la multi-instrumentiste carolorégienne est aussi éclectique qu’atypique. Portrait d’une artiste épanouie toujours en quête de nouveaux défis.

Je suis très heureuse. J’exerce un super métier. Plus j’avance dans la vie, plus j’ai conscience que passer du temps à faire ce qu’on aime est un luxe absolu. Glissée dans une conversation passionnante, cette réflexion résume parfaitement la personnalité de Catherine De Biasio. Voilà une musicienne qui mesure la chance qu’elle a. Voilà une multi-instrumentiste toujours en mouvement. Voilà une battante qui croque la vie. Voilà une femme qui réussit à mener de front son rôle de maman et sa passion pour la musique. Sans jamais s’égarer et en retirant toujours le positif.

La veille de notre entretien, Catherine De Biasio jouait à Paris avec Blondy Brownie, le duo qu’elle a créé en 2015 avec son amie de toujours Aurélie Muller. Aussitôt la touche « Stop » de notre enregistreur appuyée, elle filait à l’académie d’Etterbeek pour sa leçon hebdomadaire de trombone prodiguée par Michel Massot. Le soir, elle donnait un dj set dans un bar. Les jours qui ont suivi, il y a eu les représentations d’Ici Baba, le duo « jeune public » lancé en 2015 avec Samir Barris qui vient de publier son troisième album Les Yeux Ouverts et affiche déjà plus de mille dates au compteur. À ce menu chargé, il faut encore ajouter les happenings euphoriques avec Les Juliens, groupe déjanté de reprises de... Julien Clerc et les derniers coups de pinceau posés sur les chansons du deuxième album de Blondy Brownie avant que celui-ci ne rentre dans sa phase de mixage. Mon agenda est bien rempli, confirme-t-elle. Rien que pour Ici Baba, nous avons des dates programmées jusqu’en décembre 2021. Ce n’est pas toujours évident, il faut parfois prévoir des plans B, mais j’aime mener de front plusieurs projets. Cela nécessite un bon sens de l’organisation et parfois des choix draconiens. Mais je pense que je m’ennuierais vite si je ne me consacrais qu’à un seul groupe ou à un seul instrument.

Comme on s’en doute, la musique est entrée très vite dans la vie de cette artiste originaire de Charleroi. Mes parents n’étaient pas musiciens, mais ils écoutaient beaucoup de disques à la maison : Simon et Garfunkel, Bowie, du rock seventies, de la soul... À l’âge de six ans, j’ai commencé à suivre les cours de solfège à l’académie de Charleroi. Très vite, on m’a demandé de choisir un instrument. Je rêvais de faire de la harpe, mais il n’y avait pas de harpe disponible. Quand j’ai évoqué la batterie,tout le monde s’est foutu de ma gueule. J’ai alors opté pour la clarinette. À dix-huit ans, j’ai commencé le trombone, un peu grâce à la chanson Black Trombone de Serge Gainsbourg et aussi parce j’aimais les sonorités à mille lieues de celles de la clarinette. Mon professeur Michel Massot est le spécialiste du trombone. Je joue dans sa fanfare Babelouze. Je bidouille aussi sur des claviers et puis il y a la batterie que j’ai commencé à apprendre en 2014. La batterie, c’est comme la gym, c’est physique. ça me sert de défouloir.

Premières chansons

Après ses années d’apprentissage, Catherine crée un premier groupe éphémère avec sa sœur Mélanie et commence à prêter main forte à différents projets. Installée désormais à Bruxelles, elle écrit ses premières chansons pour son groupe Mièle qui publie deux albums (Mièle en 2006, Le Jour et La Nuit en 2011). Les textes sont en français. Les musiques flirtent avec l’électro, la pop et le rock. C’est avec Mièle qu’elle découvre les joies de la promo et des premières tournées. Une étape importante, analyse-t-elle aujourd’hui. Après l’académie, j’ai fait des études de journalisme et quelques jobs alimentaires. Mais mon but était de faire de la musique et d’essayer d’en vivre. J’avais envie de collaborer avec d’autres groupes, mais je ressentais aussi le besoin de créer mes propres chansons, d’avoir mon truc à moi où je pouvais m’exprimer librement. Une question d’équilibre. Et cet équilibre, je l’ai toujours recherché. C’est vital. En 2018 et 2019, par exemple, j’ai énormément tourné avec Atome. Ça me plaisait d’intégrer comme instrumentiste de scène uniquement l’univers du groupe. Mais à côté, je pouvais aussi écrire, composer au sein de Blondy Brownie et Ici Baba. C’est clairement Ici Baba qui est mon projet le plus rentable. Et je m’y éclate. Je peux y jouer de plusieurs instruments et les concerts ont lieu en journée. C’est un projet participatif où les enfants interagissent sans cesse. La sou- plesse de notre formule nous permet de nous produire partout : dans des classes, des salles de gym, des églises, des bois.

Avec son profil éclectique, ses qualités de musicienne, ses talents de chanteuse et son ouverture d’esprit lui permettant de s’adapter à toutes les configurations, Catherine De Biasio a été particulièrement sollicitée ces quinze dernières années. Après avoir participé à l’aventure de Melon Galia, qui lui a permis de rencontrer Aurélie Muller à l’aube des années 2000, elle a ainsi collaboré avec Hank Harry, Morning Star, Minerale, My Little Cheap Dictaphone, Le Yéti, Great Mountain Fire, Noa Moon, Atome et on en oublie. Quand nous lui demandons de citer un nom en particulier dans ce CV impressionnant, c’est celui de Kris Dane qui sort du chapeau. Sur son album Songs Of Crime And Passion (2007), j’ai assuré les chœurs avec ma sœur. C’est la première fois que nous nous sommes retrouvées ensemble, Mélanie et moi, sur un disque. C’est aussi grâce à Kris Dane que j’ai découvert les studios ICP, à Bruxelles, quand il m’a proposé de chanter et de jouer de la batterie sur Rise & Down Of The Black Stallion.

L’expérience Agnes Obel

Et puis il y a eu Agnes Obel. En 2016, pour la tournée mondiale consécutive à son troisième album Citizen Of Glass, la pianiste danoise cherche des musiciennes. Elle voulait exclusivement des femmes et notamment une instrumentiste capable de jouer des per- cussions, de la clarinette tout en assurant aus- si certains chœurs. Agnes a passé une semaine à Mons pour répéter. Ce n’était pas vraiment une audition. Nous avons joué ensemble et j’ai eu le job. Je l’ai accompagnée dans des salles prestigieuses en Europe mais aussi aux États- Unis. Une expérience inoubliable. Une énorme structure et un groupe féminin où on ne parle que l’anglais... Ça me changeait des tournées en Wallonie dans un van pourri où j’étais la seule meuf au milieu de six mecs (rires). Le revers de la médaille, c’est qu’une fois la machine lancée, je n’avais plus d’opportunités pour gérer mes autres projets. J’étais aussi jeune maman alors. J’ai préféré arrêter à la veille d’entamer le deuxième volet de la tournée. Mais au final, je suis sortie grandie, musicalement et humai- nement, de cette aventure.

Encore un détail. Vingt-quatre heures après cette interview, Catherine De Biasio nous envoyait un mail. J’aimerais encore insister sur un truc vachement important, écrivait- elle. Si je fais ce merveilleux métier aujourd’hui, c’est aussi grâce à mes parents qui m’ont conduit un peu partout dans les académies et concerts toute ma jeunesse. Ils m’ont toujours soutenue et m’aident encore beaucoup aujourd’hui, notamment à concilier ma vie de maman et de musicienne. Un post-scriptum virtuel qui achève de nous convaincre. Ca- therine De Biasio est quelqu’un de bien. De très bien.

Un article issu du magazine Larsen°36 - janvier / février 2020